Dans la maison des Buissonnets à Lisieux de 1877 à 1888. Après le déménagement à Lisieux (Calvados) dans la maison des Buissonnets, Thérèse raconte comment elle vivait le mois de Marie : « Étant trop petite pour aller au mois de Marie, je restais avec Victoire (la servante de la famille à Lisieux) et faisais avec elle mon petit mois de Marie que j’arrangeais à ma façon. » Après que sa « deuxième maman », sa sœur Pauline, est entrée au carmel sous le nom de Sœur Agnès de Jésus, Thérèse tombe gravement malade à Pâques 1883. « Cependant, elle avait un Soleil auprès d’elle, ce Soleil était la statue miraculeuse de la Sainte Vierge qui avait parlé deux fois à Maman, et souvent, bien souvent, la petite fleur tournait sa corolle vers cet Astre béni... Un jour je vis Papa entrer dans la chambre de Marie où j’étais couchée ; il lui donna plusieurs pièces d’or avec une expression de grande tristesse et lui dit d’écrire à Paris et de faire dire des messes à Notre-Dame des Victoires pour qu’elle guérisse sa pauvre petite fille. » Le dimanche de Pentecôte, le 13 mai, Thérèse se sent miraculeusement guérie. « Tout à coup la Sainte Vierge me parut belle, si belle que jamais je n’avais rien vu de si beau, son visage respirait une bonté et une tendresse ineffable, mais ce qui me pénétra jusqu’au fond de l’âme ce fut le ravissant sourire de la Sainte Vierge. Alors toutes mes peines s’évanouirent… Ah ! pensai-je, la Sainte Vierge m’a souri, que je suis heureuse. » Le 8 mai 1884, Thérèse fait sa première communion et prononce la consécration à la Vierge Marie : « Il était bien juste que je parle au nom de mes compagnes à la Mère du Ciel, moi qui avais été privée si jeune de ma Mère de la terre. » En octobre 1886, sa sœur et marraine Marie entre au carmel de Lisieux sous le nom de sœur Marie du Sacré-Cœur. Secouée par tous ces événements, hypersensible, Thérèse est transformée à Noël 1886. Elle nommera cet événement : « La grâce de ma complète conversion. » La grâce de Noël lui donne ce qu’elle désirait depuis longtemps : être délivrée de sa trop grande sensibilité et de « ce cercle étroit où je tournais ne sachant comment en sortir ».
« C’était au carmel qu’il me serait possible de trouver le manteau de la Sainte Vierge »
Des difficultés d’entrer au carmel. Maintenant, elle se sent assez forte et libre de réaliser sa vocation. Le jour de la Pentecôte, le 29 mai 1887, elle reçoit de son père l’autorisation d’entrer au carmel et le 31 mai elle est reçue comme enfant de Marie à l’école de l’Abbaye. Mais à cette jeune fille de 14 ans s’interposent l’opposition de son oncle, celle du supérieur du carmel, l’abbé Delatroëtte, et la réponse évasive de l’évêque, Mgr Hugonin. Décidée, elle entreprend alors en novembre un voyage à Rome pour demander au Pape la permission d’être carmélite. À Notre-Dame des Victoires, elle reçoit une grâce de libération des scrupules dont elle souffrait depuis sa guérison : « La Sainte Vierge m’a fait sentir que c’était vraiment elle qui m’avait souri et m’avait guérie. J’ai compris qu’elle veillait sur moi, que j’étais son enfant, aussi je ne pouvais plus lui donner que le nom de "Maman" car il me semblait encore plus tendre que celui de Mère... Avec quelle ferveur ne l’ai-je pas priée de me garder toujours et de réaliser bientôt mon rêve en me cachant à l’ombre de son manteau virginal !... Ah ! C’était là un de mes premiers désirs d’enfant... En grandissant j’avais compris que c’était au carmel qu’il me serait possible de trouver véritablement le manteau de la Sainte Vierge et c’était vers cette montagne fertile que tendaient tous mes désirs. » À la fin de l’année 1887, elle obtient les permissions nécessaires, et le 9 avril 1888, où l’on fêtait l’Annonciation, elle devient postulante au carmel de Lisieux.
Thérèse carmélite. Tout le carmel est marial : il est « l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel ». Thérèse prend l’habit le 10 janvier 1889, la dernière fête à laquelle son père peut participer avant les années douloureuses de sa maladie et de son internement au Bon Sauveur de Caen. Après le noviciat qu’elle effectue « entièrement cachée sous le voile de la Sainte Vierge », Thérèse s’engage définitivement par les vœux de la profession perpétuelle le 8 septembre 1890. « Quelle belle fête que la nativité de Marie pour devenir l’épouse de Jésus ! C’était la petite Sainte Vierge d’un jour qui présentait sa petite fleur au petit Jésus... ce jour-là tout était petit excepté les grâces et la paix que j’ai reçues, excepté la joie paisible que j’ai ressentie le soir en regardant les étoiles scintiller au firmament, en pensant que bientôt le beau Ciel s’ouvrirait à mes yeux ravis et que je pourrais m’unir à mon Époux au sein d’une allégresse éternelle. » « Lancée à pleines voiles sur les flots de la confiance et de l’amour », par le prédicateur de la retraite communautaire, le père Alexis Prou, en octobre 1891, la conviction de se confier sans réserve à l’amour de Dieu se développe toujours plus en elle.
L’écriture pour grandir dans la foi. Après la mort de leur père le 29 juillet 1894, Céline entre au carmel sous le nom de sœur Geneviève de Sainte Thérèse. À cette époque, sous le priorat de mère Agnès, Thérèse commence à écrire : poésies, pièces de théâtre, prières et surtout en 1895 le début de son autobiographie (aujourd’hui célèbre sous le titre Histoire d’une âme), le Manuscrit A, qu’elle compose sous le regard de la statue de la Vierge du sourire placée dans l’antichambre de sa cellule monastique. Dans une clarté croissante, se trace peu à peu la « petite voie » de confiance et d’amour. Le 9 juin 1895, en la fête de la Trinité, elle fait son « offrande à l’amour miséricordieux ». C’est à la « Sainte Vierge, ma Mère chérie que j’abandonne mon offrande, la priant de vous la présenter ». La découverte capitale de l’Amour miséricordieux donne à Thérèse une clé d’interprétation pour toute son existence. « Je ne vais faire qu’une seule chose : Commencer à chanter ce que je dois redire éternellement ʺLes Miséricordes du Seigneur !!!ʺ... » L’apostolat de la prière pour deux jeunes missionnaires, l’abbé Maurice Bellière et l’abbé Adolphe Roulland, l’initie à la mission pour le monde entier. « Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles... » Pour la fête de mère Agnès, elle écrit une pièce de théâtre racontant la « fuite en Égypte ». Elle met sur les lèvres de saint Joseph ces paroles comme une confidence et une invitation : « Regardez bien ce que fait Marie. Imitez-la. »
« La Sainte Vierge ne manque jamais de me protéger aussitôt que je l’invoque »
Une fin douloureuse. L’hémoptysie (rejet de sang par la bouche) de la nuit du Vendredi Saint 1896 ouvre le temps de la lutte avec la mort. De Pâques 1896 jusqu’à son décès, Thérèse vit une nuit de la foi à travers laquelle elle se sent séparée de la certitude du Ciel, de la Patrie céleste comme par « un mur qui s’élève jusqu’aux cieux » ; mais elle reconnaît en Marie « plongée dans l’angoisse du cœur » l’exemple de l’âme qui cherche le Seigneur « dans la nuit de la foi ». « Non, la Sainte Vierge ne sera jamais cachée pour moi. » Pendant la retraite de septembre 1896, elle comprend de manière nouvelle son appel à l’amour infini : « Ma vocation, c’est l’amour... Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église... dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour... ainsi je serai tout. » La dernière poésie qu’elle écrit en mai 1897 s’intitule Pourquoi je t’aime ô Marie. Dans cette poésie, « j’ai dit tout ce que je prêcherais sur elle », affirmera-t-elle au mois d’août, dans les grandes souffrances de sa maladie. On retrouve dans cette poésie le fruit des méditations de Thérèse, qui lisait « par-dessus tout l’Évangile » pour y découvrir Marie « dans sa vie réelle ». En juin 1897, elle poursuit l’écriture de l’histoire de sa vie, le Manuscrit C, dédié à la Mère prieure Marie de Gonzague. Elle y montre la manière de vivre dans la nuit « quand il ne reste que l’amour », la joie d’aimer comme Jésus aime, la puissance de la prière « qui dilate le cœur et unit à Jésus ». Elle reconnaît qu’elle a eu « toute sa vie tant de mal à dire (s)on chapelet ». « J’ai beau m’efforcer de méditer les mystères du rosaire, je n’arrive pas à fixer mon esprit... Longtemps je me suis désolée de ce manque de dévotion qui m’étonnait, car j’aime tant la Sainte Vierge qu’il devrait m’être facile de faire en son honneur des prières qui lui sont agréables. Maintenant je me désole moins, je pense que la Reine des Cieux étant ma Mère, elle doit voir ma bonne volonté et qu’elle s’en contente… La Sainte Vierge me montre qu’elle n’est pas fâchée contre moi, jamais elle ne manque de me protéger aussitôt que je l’invoque. »
Après des mois de délabrement physique, de grandes souffrances et d’épreuves intérieures, Thérèse meurt dans son carmel de Lisieux, le 30 septembre 1897 à l’âge de 24 ans. Le 8 septembre, d’une main tremblante, elle avait écrit au crayon cette ultime prière adressée à Marie : « Ô Marie, si j’étais la Reine du Ciel et que vous soyez Thérèse, je voudrais être Thérèse afin que vous soyez la Reine du Ciel !!!.... » Origine d’une grande ferveur populaire (le carmel de Lisieux reçoit 500 lettres par jour en 1914), Thérèse est béatifiée le 29 avril 1923, puis canonisée le 17 mai 1925 par le pape Pie XI, pour qui elle constitue « l’étoile de son pontificat ». Elle devient patronne des missions en 1927, puis patronne secondaire de la France le 3 mai 1944, quelques semaines avant la Libération.