L'Appel à la sainteté Née le 26 octobre 1953 à Paris dans une famille profondément chrétienne originaire du Sud-Ouest, Claire bénéficie d’une éducation soignée. La foi s’enracine en son âme comme dans la terre de la campagne gersoise qui l’entoure. Elle passe une enfance paisible sous le regard de Dieu qu’elle sait être un Père plein d’amour et de tendresse qui veille sur elle depuis son baptême. Dès son plus jeune âge, Claire a conscience que sa vie de baptisée doit rimer avec un premier appel : celui de la sainteté. À 8 ans et demi, elle dit ainsi : « Papa, vous savez ce que je veux être plus tard ? […] Je veux être sainte, voilà ! » Une sainteté concrète, quotidienne, laborieuse parfois qui oriente sa vie vers les autres et vers Dieu. Claire s’y attèle avec son courage d’enfant, puis sa détermination d’adolescente, une fois que l’entrée en 6ème l'amène à partir en pension à Toulouse, chez les religieuses du Sacré-Cœur. Elle y découvre alors, dans la vie commune et la lutte contre son caractère bouillonnant, l’exigence d'une vie de charité authentique. À la suite du crucifié Même si son tempérament enthousiaste ne le laisse que peu transparaître, Claire rencontre très tôt la souffrance et la maladie (congestion pulmonaire, diphtérie, etc.). Une infection digestive à l’âge de quatre ans lui laisse des séquelles douloureuses : régimes stricts, opérations, maux de ventre. À cela s’ajoutent une santé fragile et, au moment de passer son baccalauréat, une sciatique qui la cloue sur un lit d’hôpital quatre longs mois. De plus, sa très grande sensibilité et une certaine vulnérabilité affective lui font ressentir avec une acuité particulière les détresses et les maux qui l’entourent, ajoutant ainsi parfois aux épreuves physiques une grande souffrance intérieure. Dans ces difficultés, Claire découvre, selon l’expression de saint François de Sales, qu’ « Il faut fleurir où Dieu nous a semés. » C’est dans les sacrements, l’Eucharistie en particulier, qu’elle trouve le ressort intérieur pour accueillir la vie telle qu’elle s’offre à elle.
Pauvres, petits, pécheurs... mais sauvés En 1972, une fois son bac en poche, Claire quitte le petit univers où elle a grandi pour aller faire, à Rome, l’Institut Central de Restauration, une école de restauration d’œuvres d’art dont elle a réussi le concours d’entrée. Elle y est confrontée à un monde inconnu où règne un plaisir facile bien éloigné de la vie de foi belle et exigeante qui l’avait portée jusque-là. Les tentations se succèdent... La jeune femme résiste avec force pour défendre sa pureté face aux assauts des garçons, puisant dans sa grande piété mariale le secours dont elle a besoin. Elle a le profond désir de rester pure pour celui qu’elle épousera. Si elle ne succombe pas à cette tentation, l’isolement et la solitude l’amènent progressivement à s’enfermer dans des amitiés qui ne la soutiennent pas dans sa foi. Privée de ses repères et soutiens traditionnels, grisée par une liberté illusoire, Claire, enivrée par sa vie de jeune étudiante, se laisse aller au gré de ses fantaisies. Sans rythme ni horaire, elle ne prend plus le temps de prier et tombe dans une période de grande tiédeur spirituelle. Elle est même près d’être renvoyée de son école.
Quand Dieu nous tend la main Claire réalise soudain que le bonheur factice dans lequel elle vit lui a fait perdre la joie. Peu à peu, elle se reprend et tente de retrouver une vie plus régulière aux plans humain et spirituel. Elle écrit en juillet 1974 : « J’aime tout le monde et j’ai envie de rendre tout le monde heureux… Je me sens pleine de joie, de Dieu et d’amour pour tout le monde. » L’occasion d’un pèlerinage en Terre Sainte, en septembre, lui permet de mettre ses pas dans ceux du Christ et de réveiller sa foi. Elle vit très profondément ce séjour et découvre une intimité avec le Seigneur qui la bouleverse durablement : « Je suis en train de me convertir complètement, de creuser ma foi, de trouver son vrai sens. » Consciente de sa faiblesse et de sa chute récente, elle se laisse éblouir par la miséricorde du Père qui n’abandonne jamais ses enfants : « Je commence à saisir le sens du mot Amour de Dieu : il ne faut pas, je crois, se passionner pour des questions adjacentes mais tout pointer vers Dieu et que vers Lui. » À son retour en Italie pour la rentrée scolaire, elle est transfigurée de joie. Son école l’envoie alors à Assise pour restaurer les fresques de Simone Martini dans la basilique Saint-François, en particulier les fresques de sa sainte patronne, Claire d’Assise, celle de saint Martin et celle du miracle de l’hostie. Ce travail, calme et minutieux, lui permet d’assimiler en profondeur les grâces reçues en Terre Sainte. L’étudiante loge alors chez des bénédictines. Claire y mène une vie de prière, lit et médite la Bible dans le calme et le silence. Elle s’interroge sur sa vocation sans y voir encore assez clair pour se déterminer. Elle se rend profondément disponible, accueille l’instant présent et n’attend pas pour vivre pleinement chaque minute que Dieu lui donne. Quelques jours avant sa dernière maladie, elle dira encore à sa mère : « Je suis heureuse ! J’aime tellement la vie ! Mais vous rendez-vous compte combien je suis heureuse ? Combien Dieu est bon ! […] Je suis mûre pour de grandes choses mais je ne sais pas lesquelles. »
Une louange vivante à Dieu Le 22 janvier 1975, à l’hôpital de Toulouse, vers 17 heures, Claire rejoint la Maison du Père, âgée de 21 ans, emportée en quelques jours par une méningite foudroyante que rien ne laissait prévoir. Elle était prête. Peu de temps auparavant, elle déclarait : « Je suis tellement heureuse que si je mourais maintenant, je crois que j’irais tout droit au Ciel, puisque que le Ciel c’est la louange de Dieu et j’y suis déjà. » Son corps repose dans l’abbaye cistercienne de Boulaur (Gers). Le procès de béatification de Claire est ouvert depuis 1990 et son dossier est à Rome depuis 2008. Le décret de validité de cette enquête diocésaine a été signé le 4 juin 2009 par Mgr Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints. La positio (l’ensemble des documents utilisés dans le processus de béatification puis de canonisation) qui présente la façon dont Claire a vécu les vertus chrétiennes sera déposée à la Congrégation pour les Causes des saints à l’automne 2016, en vue d’obtenir le Décret d’héroïcité des vertus de la Servante de Dieu. Nous attendons désormais un miracle pour poursuivre le travail en vue d’une éventuelle béatification. ComplémentsClaire de Castelbajac et la Vierge Marie.
« Au-delà de ma familiarité avec la Sainte Vierge, je découvre l’amour de Dieu immense, étonnant et si simple. » Dès son enfance, Claire entretient un rapport étroit avec la Sainte Vierge. Elle prend l’habitude de dire chaque matin la prière suivante : « Ô Marie Immaculée, je vous confie la pureté de mon cœur. Soyez-en la gardienne pour toujours ! », et récite souvent son chapelet : « Commencer la journée par un chapelet est très efficace. » Jeune adulte, elle ne cesse de prier de la sorte, comme lors de son apprentissage romain au cours duquel elle se heurte à de puissantes contradictions.
Bouleversée à 15 ans par les événements de mai 1968, elle décide d’entraîner ses camarades à écrire aux évêques pour réclamer notamment la consécration de la Russie, selon la demande de Notre-Dame de Fatima. « Monseigneur, Notre-Dame nous a demandé le chapelet quotidien, la consécration à son Cœur Immaculé […] nous vous supplions de demander à vos prêtres de bien vouloir transmettre le message de Notre-Dame à tous leurs paroissiens… » Face aux évènements étudiants, collectifs et parfois violents de cette époque, elle est persuadée que seule la prière peut agir.
Claire, placée sous la protection de la Vierge et de sainte Claire dès son baptême, trois jours après sa naissance, sait que la source du bonheur, c’est l’union au Christ, et que cette union passe par Marie. Avec des mots simples, elle inscrit ses pas dans ceux des grands théologiens : saint Bernard, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, etc. Comme l’enseigne l’Église, Claire sait que Marie intercède toujours pour celles et ceux s’adressant à elle en vérité. À 13 ans, elle explique que la Reine des anges et sainte Bernadette Soubirous lui « ont appris à mieux prier et à mieux comprendre les choses de Dieu ». Ici encore, comme le formule l’Église, la Vierge est le modèle spirituel par excellence.
Tout au long de sa vie, elle se rend plusieurs fois en pèlerinage à la grotte de Lourdes ; lors du dernier, en décembre 1974, un mois avant sa mort inattendue, sa mère se rend compte, au rayonnement de son visage, que Claire a reçu quelque chose, longuement prosternée dans la grotte. On n’en saura jamais davantage. Et avant son entrée dans le coma, l’Ave Maria constitua ses dernières paroles sur cette terre.
Saintes et saints de la jeunesse.
Dans les Évangiles, Jésus nous demande de prendre les enfants comme des modèles (Mt 18, 1 ; 19, 13). Depuis son commencement, l’Église élève des jeunes fidèles sur les autels. Dès le IIIe siècle, les chrétiens reconnaissent vierges et martyrs comme des saints qu’ils vénèrent comme tels. Nombre de ces jeunes élus sont des martyrs de la foi. Aujourd’hui le Saint-Siège authentifie la sainteté de jeunes non martyrs, depuis 1954, la canonisation de Dominique Savio (voir ci-dessous). Dès le début du XXe siècle, saint Pie X déclare : « Il y aura des saints parmi les enfants » ; plus tard Pie XII d’ajouter : « Ne croyez pas que le jeune âge soit un obstacle au chemin vers la perfection… »
Nous proposons ci-dessous cinq brefs exemples de jeunes « amis de Dieu » venant d’époque et d’horizons très divers. Leur point commun est d’avoir placé leur vie sous le regard du Christ.
- Sainte Agnès (vierge et martyre, 290-303) est née dans une famille chrétienne de Rome, dans un contexte de persécutions. En proie à l’hostilité des autorités, la fillette ne songe qu’à une chose : plaire à Dieu et conserver sa pureté. Mais à l’âge de 13 ans, Procope, fils du gouverneur de la cité, tente d’abuser d’elle. Elle refuse. Procope alerte son père qui, sur-le-champ, convoque Agnès. Il lui laisse le choix entre… l’apostasie ou la mort ! Abandonnée, plongée dans la prière, Agnès n’hésite pas. Elle a la gorge tranchée. Saint Ambroise de Milan écrira d’elle : « Son nom seul est une louange. »
- Le 21 juin 1925, le pape Pie XI déclare saint Louis de Gonzague (1568-1592) « patron céleste de toute la jeunesse chrétienne ». Ce jésuite, fils d’un grand aristocrate, est né près de Mantoue, au château de Castiglione. Le métier des armes retient d’abord son attention, et surtout celle de son père, Ferrante de Gonzague. Le garçon reçoit une solide éducation, entouré de sept frères et sœurs. En 1577, il est envoyé à la cour du grand-duc de Florence, où il croise la future reine de France, Marie de Médicis. Il est déjà très engagé dans la spiritualité. Sa dévotion à la Vierge attire l’attention et sa récitation quotidienne du Rosaire étonne. Il prononce un vœu privé de chasteté et vit une ascèse stricte. À l’automne 1579, il découvre la jeune Compagnie de Jésus. Il est conquis. Le 22 juillet 1580, Louis reçoit la première communion des mains du cardinal saint Charles Borromée. Avec l’appui de son confesseur, le célèbre Robert Bellarmin, il gagne le noviciat jésuite romain. Sa vaste culture et son dévouement aux démunis forcent l’admiration, comme lors de l’épidémie de peste en 1590-1592. Il y laisse force et santé. Il est béatifié le 19 octobre 1605 puis canonisé le 31 décembre 1726.
- Les chrétiens d’Asie donnent de jeunes saints à l’Église, comme la chinoise Ana Wang, née en 1886 au sein d’une famille chrétienne. L’enfant montre des dispositions remarquables. Des épreuves douloureuses jalonnent ses jeunes années : en 1891, elle perd sa mère ; en 1897, on veut la contraindre à épouser un inconnu. Le 21 juillet 1900, des hommes armés font irruption dans son village et kidnappent les fidèles catholiques. Ana est malmenée. On exige d’elle qu’elle renie sa foi, mais l’adolescente tient tête. Elle passe sa dernière nuit en prière, confiant dans la miséricorde divine. Avant de mourir, elle s’exclame : « La porte du ciel est ouverte à tous. Jésus, Jésus, Jésus ! » Elle est canonisée le 4 octobre 2000.
- L’Afrique a aussi ses bienheureux. Isidore Bakanja (1885-1909) naît au Congo, au sein d’une famille non chrétienne du peuple Mongo. Dès l’enfance, il sent en lui un puissant désir de Dieu. Il fréquente la mission trappiste de Bolokwa Nsimba où il aide les moines. Il est baptisé le 6 mai 1906 puis devient catéchiste de la mission. Mais sa vie chavire. Pour gagner de l’argent, il devient employé de maison d’un colon belge à Busira, homme violent, esclavagiste et indifférent à la foi. Le garçon vit un martyr sans nom. Il est privé de nourriture, insulté, des blessures lui sont infligées par une « lourde cravache garnie de clous pointus ». Il en meurt à 24 ans. Jamais il n’a renoncé à la foi. En 1912, son bourreau est condamné à deux ans d’emprisonnement. Isidore est reconnu bienheureux le 24 avril 1994.
- Marcel Callo (1921-1945) mène une vie différente mais sa foi est tout aussi inébranlable. Second enfant d’une famille qui en comptera neuf, il voit le jour à Rennes le 6 décembre 1921. Ses parents travaillent dans une usine de produits chimiques. Très tôt, Marcel prie de longs moments, lit la Bible et médite chaque jour, en ayant tout le sens des réalités ; il joue énergiquement avec ses frères et sœurs ou ses camarades d’école et adhère au scoutisme. En 1933, il est embauché comme typographe dans une imprimerie. Deux ans plus tard, il rejoint la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Catholique), dont il deviendra l’un des grands témoins du XXe siècle. Il est dévoué aux autres, investi dans la charité. Quand la guerre éclate, Marcel sait le danger mais il décide de continuer à travailler pour aider les siens. En 1943, les nazis le réquisitionnent pour le S.T.O. (Service du Travail Obligatoire). Il est contraint de partir en Allemagne. Suspecté d’être un catholique zélé, ses bourreaux l’envoient d’abord en prison puis au camp de concentration de Matthausen où il meurt à l’infirmerie, épuisé par la maltraitance. Il est béatifié le 4 octobre 1987.