Bien que l’historique des révélations surnaturelles à Gietrzwałd (prononcez « guiette-chfaoude ») commence le 27 juin 1877, ce lieu figurait déjà sur la carte mariale de l’Église. Dès le XVIIIe siècle, en effet, dans l'abside de l'église villageoise était vénérée une icône de la Regina Caelorum. L'association de ce titre, au nombre des Litanies à la Vierge, aux apparitions a été soulignée lors des trois premières rencontres des visionnaires enfantins avec la Vierge. Comme si la Sainte Mère avait désiré imprimer d’elle-même son image miraculeuse et s'attacher perpétuellement ce lieu de piété.
Nous sommes à la veille de la solennité des saints Pierre et Paul, figures patronales de la paroisse de Gietrzwałd. Quand le clocher sonne l’Angélus du soir, voilà que la Vierge apparaît en majesté sur un trône d’or inséré dans la frondaison de l’érable. La « Belle Dame » - la même qu’expression qu’utilisèrent les bergers de la Salette et du Laus notamment - apparaît vêtue d'une robe blanche étincelante brodée d’or ceinte d’un ruban d’azur, à l’instar de la grotte de Lourdes.
Les apparitions continuent. Le dimanche 1er juillet, au jour de sa première communion, Justyna bénéficie d’une nouvelle apparition alors que le clocher appelle déjà les fidèles à se rassembler. À la première question posée par le curé de la paroisse, la Vierge lui répondit clairement en polonais (alors que le gouvernement oblige la population locale à parler allemand) : « Je suis la Vierge Immaculée. »
Ainsi se trouve corroboré le dogme de l'Immaculée Conception proclamé depuis peu par Pie IX, en 1854. La nouvelle se répandit à travers tous les villages environnants et les deux jeunes filles furent accompagnées de plusieurs dizaines de personnes à chaque apparition. Ceux-ci leur demandaient de poser des questions à la dame, pour savoir si telle personne était au ciel, si telle personne avait survécu aux champs de bataille, si telle personne guérirait ou encore si les persécutions contre l'Église cesseraient. L’Apparition apporte pour seule et mystérieuse réponse aux fillettes : « Priez et récitez le Rosaire. Les prêtres seront libérés, les malades guériront et la Pologne regagnera son indépendance grâce à vos prières. »
Le 8 septembre 1877, fête de la Nativité de Marie, la Vierge aurait demandé aux jeunes filles de faire bâtir une chapelle en son honneur et leur aurait indiqué une source d'eau, à l'entrée de la forêt, qui serait miraculeuse. Dès le 16 septembre, une petite chapelle fut construite près de l'érable et la source fut aménagée. On vit dès lors le nombre de pèlerins s'accroître, venant de toute la région, certains même de Lituanie ou d'autres de Prusse. Les apparitions créèrent une atmosphère fédérative entre ces différents peuples contraints de cohabiter.
Nombreux sont les éclaircissements théologiques véhiculés par les apparitions à Gietrzwald. La prière fervente est au cœur du message mariophanique, qui insiste sur le pouvoir effectif de la prière et ce d’autant plus si l’orant a recours à l’intercession fructifiante de la Madone, comme saint Louis-Marie Grignion de Montfort nous y a exhortés. De plus la Vierge Marie a appelé à l'obéissance aux prêtres et aux mises en garde des confesseurs, pourvu qu’ils se montrent dignes de leur ministère pastoral. Car les saints prêtres reçoivent la grâce de discerner la vérité et en cela sont habilités à indiquer la voie salutaire que Dieu a tracée. « Totus tuus Maria, gratia plena, dominus tecum. Ora pro nobis Maria. »
Des messages en polonais. Le fait que la Vierge parle polonais a beaucoup soutenu la population, qui souffrait de l’occupation allemande. Le 30 juin 1877, la dame aurait dit aux deux jeunes filles : « Je désire que vous récitiez le Rosaire tous les jours. »
Le 1er juillet 1877, elle se présente : « Je suis la Vierge Marie Immaculée. » « Priez et récitez le Rosaire. Les prêtres seront libérés, les malades guériront et la Pologne regagnera son indépendance grâce à vos prières. » Le 1er août, Barbara demande : « Est-ce qu’il y aura bientôt des prêtres pour les paroisses ? » La Sainte Vierge répondit : « Si les gens prient avec assiduité, les persécutions contre l’Église cesseront et les paroisses retrouveront des prêtres. » En effet, c’est l’époque du Kulturkampf (souvent traduit par « combat pour un idéal de société », 1871-1878) du chancelier allemand Bismarck, qui s’en prend à l’Église catholique et à son influence dans l’Empire. La persécution se calme d’ailleurs dès l’année suivante, avant la signature d’accords avec le Vatican en 1886 et 1887.
Le 8 septembre, Notre Dame bénit également une source à l’entrée de la forêt voisine, en disant : « Maintenant les malades peuvent prendre et boire cette eau pour leur guérison. », d’où le surnom de « Lourdes polonais » pour le sanctuaire de Gietrzwald. Enfin, le 16 septembre, dernier jour des apparitions, Marie demande une nouvelle fois de réciter le Rosaire : « Priez le chapelet avec grande dévotion ! ». Les apparitions de Gietrzwald se situent donc dans la continuité de celles de Lourdes et annoncent celles de Fatima, 40 ans plus tard.
L’avenir des voyantes. À la suite des apparitions, les deux fillettes entrèrent chez les Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul. Barbara, devenue sœur Stanislawa lors de sa profession religieuse, fut missionnaire au Guatemala, où elle mourut le 6 décembre 1950 à 85 ans avec la réputation d'avoir été une sainte. La cause pour sa béatification fut introduite en 2005. Quant à Justyna, elle quitta la vie religieuse en 1897, se maria et mourut dans l'anonymat le plus complet.
Reconnaissance pontificale. Une enquête canonique est lancée dès le 20 août 1877 par les autorités ecclésiastiques. La commission des théologiens ne trouve alors rien de contraire à la doctrine de l'Église aux messages attribués à la Vierge ainsi qu'aux comportements des deux jeunes filles. Une basilique est donc construite entre 1878 et 1884. En 1945, le sanctuaire est confié à un ordre de chanoines réguliers. Le 2 juillet 1970, le pape Paul VI l’élève au rang de Basilique mineure. Le 10 septembre 1967, le cardinal Karol Wojtyla (futur pape Jean-Paul II), alors archevêque de Cracovie, et le cardinal Stefan Wyszyński, primat de Pologne, couronnent l'icône de Notre-Dame de Gietrzwald. Le 11 septembre 1977, un peu plus d’un an avant l’élection d’un pape polonais, la cérémonie du centenaire proclame officiellement les apparitions comme étant authentiques et dignes de foi.