Plus tard, la Contre-Réforme consécutive au concile de Trente (1545-1563) favorisera également cette forme de dévotion. C’est ainsi que fleurissent peu à peu, dans les villes et les villages, des confréries dans lesquelles hommes ou femmes se réunissent régulièrement pour prier dans une chapelle, pour accomplir une ou plusieurs œuvres de miséricorde (la visite des malades, l’enterrement des morts, la prière pour les défunts…) et pour processionner dans les grandes occasions, revêtus d’un habit de cérémonie (on parle souvent du « sac »), très variable selon les lieux, rappelant les vêtements monastiques. La couleur de l’habit donne fréquemment son nom à la confrérie : on parle des Pénitents blancs, noirs, bleus, rouges...
Une chapelle très ancienne. Petite ville de l’ancienne province montagneuse du Velay, Yssingeaux est depuis le Moyen Âge une étape à 30 km au nord-est du Puy-en-Velay (Haute-Loire), célèbre cité mariale et point de départ de l’un des chemins de Compostelle. Vers 1150, peu après la venue du roi Louis VII au Puy (juste avant son départ pour la deuxième Croisade), un refuge pour les pèlerins du Puy est construit un peu à l’extérieur des remparts d’Yssingeaux. L’abri, desservi par quelques religieux, prend le nom de Notre-Dame du Refuge. Cet édifice constitue vraisemblablement les fondations romanes de la chapelle actuelle : on y voit encore des voûtes en berceau et un carrelage très ancien comprenant une croix de 12 mètres dessinée sur le pavé. Celle-ci est forcément antérieure au règne de saint Louis, qui interdit au XIIIe siècle de dessiner la croix sur le sol afin qu’elle ne soit pas foulée aux pieds, geste qui pourrait être interprété comme un sacrilège. Le culte marial se développe à Yssingeaux, malgré les vicissitudes de la ville pendant la guerre de Cent Ans (pillages par des bandes de soldats errants, les « routiers », en 1383 et en 1428). En 1554, une statue de la Vierge est placée sur l’autel de la chapelle ; une grande procession mariale, organisée par les marchands de la ville, fait le tour d’Yssingeaux.
Les Pénitents à Yssingeaux. À Yssingeaux, c’est en 1629 qu’apparaît la confrérie des Pénitents blancs, couleur très fréquente pour les confréries de la région. Elle se réunit dans la chapelle existante et continue d’entretenir la dévotion mariale. Aussi, quelques années plus tard, lorsque la confrérie reçoit de l’évêque du Puy l’autorisation de construire sa propre chapelle, elle lui donne naturellement le nom de Notre-Dame des Pénitents. Il s’agit certainement d’une démolition partielle de la chapelle romane, remplacée par un édifice plus grand, couvert de lauzes. En particulier, le chœur est compris dans un vaste chevet à cinq pans, contenant les bans réservés aux membres de la confrérie lors des offices (on peut toujours voir dans la chapelle les attributs des Pénitents). Les Pénitents processionnent pendant la Semaine sainte, visitent les malades et assistent les familles lors des funérailles. La dévotion à Marie reste forte et la vie de la chapelle très active pendant plusieurs siècles, malgré les bouleversements de la Révolution (où la statue est cachée, selon la mémoire orale). Ainsi est élevé en 1824 un campanile en bois servant à abriter une cloche. En 1833, un illustre enfant du pays, l’abbé Guy François de Lagarde, chanoine de Notre-Dame du Puy, mort en odeur de sainteté, est enterré dans la chapelle. Celle-ci devient même pendant 15 ans l’église paroissiale d’Yssingeaux (d’où l’aménagement d’une grande porte et d’une sacristie), jusqu’à l’achèvement d’une nouvelle église en 1827. L’édifice connut ensuite une importante restauration au début des années 1950. Deux angelots en bois doré furent offerts par l’ancienne reine Amélie du Portugal (morte en 1951), dont l’intendant était natif d’Yssingeaux. Le 21 juin 1953, sur l’autorisation du pape Pie XII, la statue de Notre-Dame des Pénitents était couronnée solennellement par le cardinal Pierre Gerlier, archevêque de Lyon, primat des Gaules. Aujourd’hui, si la confrérie de Pénitents a disparu depuis les années 1940 (bien qu’il en subsiste trois autres dans le département de la Haute-Loire), la chapelle impeccablement entretenue a gardé son nom et continue d’accueillir prières et dévotions. La Vierge porte depuis quelques années un splendide manteau, réalisé par les carmélites du Puy-en-Velay.
Bien au-delà d’Yssingeaux. Le cas d’Yssingeaux, assez bien documenté, est loin d’être unique. Les diverses confréries de Pénitents (dont il subsiste une cinquantaine bien vivantes dans le Midi de la France, réunies dans la Maintenance des confréries de Pénitents de France et de Monaco) ont toujours entretenu une relation particulière à la Vierge Marie, éventuellement représentée au pied de la Croix dans leur chapelle. Plusieurs confréries ont spécialement consacré leur chapelle à Notre Dame des Pénitents, dont le bâtiment ou le toponyme ont été conservés jusqu’à nos jours, comme à Ginasservis (Var) ou à Peillon (Alpes-Maritimes). À Toulon (Var), la confrérie des Pénitents noirs, reconstituée en 2006, a choisi de renouer avec la tradition en consacrant un tableau, réalisé par le confrère peintre Charles Gonnel, et un chant à Notre Dame des Pénitents. Mère du Sauveur qui a versé son sang pour le Salut des hommes, présente debout au pied de la Croix (cf. Jean XIX, 25), la Sainte Vierge a forcément une importance particulière auprès de ceux et celles qui veulent s’engager à prier et à tenter de soulager la souffrance de leurs prochains.