Un peuple à la foi affermie par les disciples du père de Montfort. L’attachement de la population à son clergé, de même que le courage des prêtres, vient aussi d’un mode de vie propre à l’Ouest. Le curé y est souvent d’humble condition. La foi des Vendéens est d’autant plus solide qu’ils ont bénéficié durant tout le XVIIIe siècle des missions des Pères du Saint-Esprit, ordre fondé par saint Louis-Marie Grignion de Montfort le siècle précédent à Saint-Laurent-sur-Sèvre, au cœur de la Vendée. En nette opposition avec les manières encore souvent jansénistes de l’époque, ceux-ci poursuivent l’évangélisation du peuple avec zèle, prêches imagés, cantiques et processions… Ils se déplacent dans toute la Vendée, édifient et soignent les âmes, distribuent bénédictions et objets de dévotion dans les foyers. Les Sœurs de la Sagesse, fondées également par Montfort, prennent soin des malades, des pauvres et de l’instruction des enfants. En réaction à la persécution des prêtres appelés « réfractaires » par l’État, une résistance se met en place ; les familles cachent leurs prêtres dans leur grenier, des processions se font de nuit, des messes sont organisées clandestinement dans les granges, ou en plein air. À l’été 1791, le pèlerinage nocturne à Notre-Dame de Belle-Fontaine, à Bégrolles-en-Mauges rassemble, aux dires des conventionnels Gallois et Gensonné, commissaires civils, envoyés dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres, plus de 2 000 personnes venues « y faire des neuvaines ».
Sous la protection du Sacré-Cœur et de la Vierge Marie. En parallèle, éclatent dans la région échauffourées et mutineries, puis la rébellion s’organise. Souvent, les paysans vont chercher les nobles, dont la plupart ont un entrainement militaire. Les Vendéens partent au combat appuyés par leurs femmes qui prient « à genoux sur la route pendant que l’armée défile », écrit la Marquise de la Rochejaquelein (1770-1827) dans ses Mémoires. Les Vendéens se choisissent deux insignes : « Tous les paysans avaient par dévotion, et sans que personne en eût donné l’ordre, un Sacré-Cœur à leur habit et un chapelet passé dans la boutonnière. » L’attachement au Sacré-Cœur en Vendée trouve son origine au XVIIe siècle dans les apparitions à sainte Marguerite-Marie Alacoque. Son culte a été encouragé par l’Église de France et le Roi Louis XVI avait formé le vœu de lui consacrer le Royaume. Cette dévotion s’est particulièrement développée dans l’Ouest par l’action des Eudistes et des Monastères de la Visitation qui ont popularisé les litanies du Sacré-Cœur. Quant au chapelet, il n’est pas seulement arboré mais prié avec ferveur par les troupes de paysans dès qu’elles sont en mouvement ou en bivouac, en dehors des temps de messe et de confession fréquents. En 2010, lors de fouilles menées au Mans (Sarthe) sur les lieux d’un massacre de Vendéens par l’armée républicaine, de nombreux chapelets sont retrouvés dans les charniers entre les mains des victimes. Il reste également en Vendée de nombreux lieux de mémoire où le souvenir de la guerre est lié à la dévotion à la Vierge Marie, comme par exemple au hameau de la Tulévrière (à l’ouest des Lucs-sur-Boulogne) où Marie a sauvé un prêtre et ses ouailles de la répression des colonnes infernales qui sont passées juste à côté. Aux Lucs, la chapelle Notre-Dame détruite au moment du massacre du 28 février 1794 (563 morts dont 110 enfants) a été reconstruite en 1866 et fait toujours l’objet d’un pèlerinage.
Des chefs exemplaires. Scapulaire du Sacré-Cœur et chapelet ne sont pas de simples objets de superstition paysanne ; les chefs de la Grande Armée catholique et royale que forment plus tard les Vendéens les arborent fièrement et leurs actes témoignent de leur foi. Cathelineau, « le saint de l’Anjou », profondément croyant, s’engage dans la rébellion après un pèlerinage à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire) qui l’a bouleversé. D’Elbée convainc ses soldats, après un massacre commis par les Bleus à Chemillé (Maine-et-Loire), de renoncer à leur soif de vengeance et d’épargner les prisonniers en les faisant se mettre à genoux et réciter le Notre-Père, avant de les interrompre pour les haranguer : « Arrêtez ! Ne mentez pas à Dieu. Vous Lui demandez qu’Il vous pardonne comme vous, vous pardonnez aux autres ? » Après la bataille de Cholet, Charles de Bonchamps impose quant à lui la grâce de 5 000 soldats républicains sur son lit de mort.
Le temps des martyrs. Face à cette insurrection menaçante pour la Révolution de 1789, l’armée des Bleus commet les pires exactions : en 1794 sont fusillés 2 000 Vendéens, autant d’hommes que de femmes, à Angers, 1 500 dans l’île de Noirmoutier, 1 800 près de Nantes… Carrier fait noyer 4 000 personnes dans la Loire... Puis le Comité de Salut Public décide de l’envoi des colonnes « infernales » menées par le Général Turreau, chargées d'exterminer « jusqu’au dernier » les « brigands » vendéens, hommes, femmes, vieillards et enfants, de brûler et piller les terres et les fermes (notamment aux Lucs-sur-Boulogne le 28 février 1794), jusqu’à faire de la Vendée un « cimetière national ». Tortures, mutilations, viols, massacres… Rien n’arrête ces soldats, qui sont assurés du plein appui des autorités de la République. On estime le nombre de victimes entre 120 000 et 200 000, peut-être plus, dont 70 % de civils non-armés. Nombre de ces victimes ont été élevées au rang de « bienheureux », tels les 99 martyrs d’Angers (Maine-et-Loire), béatifiés par saint Jean-Paul II. L’exécution du général vendéen François Athanase Charette à 33 ans, le 29 mars 1796 à Nantes, sonne le glas des guerres de Vendée. Avant de mourir, il prononce la phrase du Christ : « Seigneur, entre tes mains je remets mon esprit. » (Luc XXIII, 46)
Un modèle de fidélité. Un début de paix en Vendée ne commence à se faire vraiment sentir qu’avec le Concordat offert au Pape Pie VII par Napoléon Bonaparte, en 1801. Mais l’exemple des Vendéens ne s’efface pas des mémoires. Comme l’a dit saint Jean-Paul II dans son discours lors de la béatification des 99 martyrs d’Angers le 19 février 1984 à Rome, leur témoignage « nous interpelle nous-mêmes dans ces pays de l’Occident où la persécution ne sévit pas, mais où l’indifférence religieuse, le matérialisme, le doute, l’incroyance et le climat de permissivité morale ébranlent les chrétiens… Nos martyrs nous appellent à un sursaut. Ils nous montrent comment nous comporter dans ce monde. »